samedi 7 novembre 2015

Interview: Alexandre Bourgeonnier #17, Le gars sorti de nulle part et qui a fait 2eme !

Kiwi: Salut Alexandre, tout d'abord présente toi ! Qui es tu ?

Alexandre: Bonjour Stéphane, je travaille comme vendeur dans un shop de vélo dans la région Annecienne depuis 2013 , et auparavant je travaillais dans ce même magasin , comme technicien cycle , depuis 2007 , je suis également pompier volontaire depuis 2011.

Alexandre Bourgeonnier #17


K: Depuis quand es tu dans le vélo ? Qu'est ce qui t'a amené à travailler dedans ?

A: J'ai découvert le vélo autour de mes 13 ans , je me passionnais pour le tour de France , je n'étais pas du tout sportif à cet age là, j'étais un petit gros... *rire* et puis à l'age de 15 ans je me suis inscrit dans un club de ma région , je vivais dans le var. Mes débuts ont été laborieux , je n'arrivais pas à tenir 3 km dans un peloton , j'étais largué sur toutes les courses pendant prés d'un an... mais je n'abandonnais jamais , et je m'accrochais pour ne pas être trop trop loin ... et puis un jour , j'ai réussi à tenir ..., la course d’après je partais en échappée et je finissais 4 éme ... je n'ai fait que progresser à partir de la .. pour atteindre en junior  espoir le niveau des championnats de France , que je courrais en sélection régional en 2004... j'ai gagné quelques courses sur route , et sur piste. J'ai commencé à travailler dans le vélo , car je voulais pouvoir vivre ma passion , j'ai complètement bifurqué de ma formation initiale , mais pour moi le vélo a toujours été une évidence ...

K: Avant de poursuivre sur le vélo, parle nous de ton engagement envers les pompiers, cela ne doit pas être facile de cumuler famille travail et la caserne.

A: Cette année n'a en effet pas été évidente du tout, d'un point de vue gestion , et comme je suis du genre excessif , je ne me suis pas ménagé niveau entrainement ... au niveau des pompiers, j'ai rien changer à mon organisation jusqu'en avril , je prenais mes gardes habituelles , mais à partir de avril , je suis aller voir mon chef de centre , et lui ai exposé mon projet , il a été conciliant et j'ai réduit mes gardes , en supprimant toutes les gardes de week end ...  chaque week end était compté ... au niveau de mon boulot , j'avais négocié de pouvoir prendre un samedi par mois afin de pouvoir faire les brm et surtout les tests sur un week end complet de vélo ... le plus difficile , aura été la gestion de ma vie de famille , ma femme a géré les 3 enfants seule, cela à été très difficile pour elle , la date de la course sonnait comme l'ultimatum d'un soulagement... et en même temps elle a été exceptionnel d'implication et de compréhension ... en plus du boulot , j’enchaînais en moyenne entre 20 et 35 heures d'entraînement par semaine ...

K: C'est dingue toutes ces heures d'entraînement ! Qu'est ce qui ta pousser aussi loin pour une première TCR ? Et surtout, quel était ton objectif de départ ?!

A: LA question....

K: *rire* , avec toutes ces heures d'entraînement tu cumulais un 3eme boulot

A: je crois que j'aime cette idée que le vélo soit un moyen de déplacement sans limite , autre que celle que t'impose ton corps ... avec le recul je n'ai pas subi ces entraînements ... je crois que j'aime ces moments solitaires , ou j'avance écouteurs vissés aux oreilles , il y'a une part d'émotion quand je roule , un mélange de souffrance , et de réflexion psychologique ... je pense énormément quand je roule , à tout et à rien ... et surtout j'ai ce sentiment immense , de vivre pleinement , et plus j'avance vite plus je vis ...

Quand j'ai abordé la TCR je me suis dis que ce serait la seul et unique tentative ... j'ai voulu m’investir pleinement vis a vis de cela ... quand a mes objectifs:
j'ai contacté mon coach en novembre 2014 la première question qu'il m'a posé a été "et tu y va pour quoi?" ma réponse a été immédiate "pour gagner". je n'avais aucune expérience , ne savais pas qu'elle  devait être la gestion , mais je savais une chose , je savais que j'avais la capacité de rouler vite et surtout la force mentale de me battre. Après au fil des mois j'ai pris beaucoup d'humilité et le doute s'est installé , mais je n'aurai aucun regret du résultat. 

K: Aucun regret d'avoir fini 2eme donc ?

A: 2éme pour une première participation absolue à ce genre d'épreuve , sans expérience , rien , non je n'ai pas de regret , en revanche je dois avouer que je reste sur ma faim... surtout que concrètement après analyse , je sais ou je perd la TCR , je ne sais pas si j'aurais été en mesure de battre Josh , mais être à son niveau au moins je sais que cela m'est totalement possible.

K: Qu'est ce que tu pense de ton prédécesseur Josh Ibbett ? Comment a t'il battu la TCR ?

A: C'est un gars très gentil qui a déjà l'expérience de l'avoir fait l'année précédente, c'est un fin tacticien qui a bien mérité sa 1 ère place. 

K: Un autre rider dans la course qui t'a marqué ?

A: pendant la course je n'ai croisé personne mis à part Josh au bout de 14h le premier jour le reste du temps je me suis retrouvé seul sans croiser personne. 
Après la course une personne m'a marqué par l'exploit qu'il a accompli: c'est TOI

K: Je censurai peut être ça, mais merci. 

A: ben non c'est vrai faut le mettre soit pas modeste. 

K: Tu as été tout seul pendant 11 jours ? Comment tu décrirais cette solitude?

A: oui j'ai été seul pendant ces 11 jours, j'aime assez bien la solitude quand je suis sur mon vélo et j'ai besoin de ces moments de solitude. Après honnêtement le plus dur aura été le manque de communication avec ma femme et mes proches car dés le premier jour je n'ai plus eu le moyen de recharger mon téléphone comme je le voulais et sur les 3 derniers jours mon opérateur téléphonique a coupé ma ligne téléphonique et pour autant que j'aime cette solitude j'ai très vite compris que mon plus gros moteur ce serait les centaines de personnes qui me suivait au quotidien via trackleaders ou ma page facebook Alexandre ultrabike.

Alex lors de l'un de ses voyages en solitaire


K: Et durant la course quelle étape a été la plus grosse difficulté pour toi ?

A: La plus grosse galère (la journée la pire ) aura été pour moi la traversée de la plaine du po ,pour traverser l’Italie.
Au petit matin je m'étais levé vers 5h30 du matin, après avoir dormi près d'un ruisseau dans la banlieue Turinoise, bouffé par les moustiques, bref une nuit de merde... Je repars mais j'arrive pas à avancer, la route ne rend pas malgré la platitude ... De longues lignes droites aux abords non entretenus, je suis frustré de ne pas arriver à enrouler mon braquet ,et j'ai la roue avant qui saute à chaque tour de roues depuis la veille et mon passage dans la strada, il est à la limite de l'explosion, avec une énorme hernie. Il va falloir que je m'arrête pour le changer dés que je trouve un shop ouvert. Vers 8h 30 premier arrêt dans un café pour un petit dej qui s'éternisera. Arrêt d'une bonne heure ,ou je m'enfermerai dans les toilettes pour un petit coup de toilette ou je constaterai que mon postérieur commence à être au sang... galère. Je ne pourrasi plus m’asseoir de la journée !! Toute la journée en danseuse! Vers 11h30  nouvel arrêt au décathlon de Pavia pour changer le pneu, un arrêt de 45 minutes. Je repars toujours en danseuse dépité car je n'avance pas !!! Et à nouveau je décide une pause resto vers 13h30, arrêt d'une bonne heure ou j'en profite  pour charger téléphone et gps. Un coup d’œil au trackleader je suis tjrs 3eme sa me rassure, la journée doit être galère pour tout le monde...

Et je repars, rien ne me plait dans ce que je traverse, la platitude, les routes non entretenues, les prostitués, ma galère physique et j'avance pas, c'est décidé, ce soir je m'arrête tôt. Par chance la fin de journée sera plus belle à l'approche de Veronne, le paysage est superbe et plus vallonnée ,et je décide de dire stop à 20km de veronne vers 19h30 dans un  hôtel. Je n'aurais fait que 300kms sur cette journée toute plate... et comme de coutume car je n'ai pas de batterie je ne me réveillerai pas en temps voulu... Quand je repars je suis 6eme, mais le lendemain sera une journée extraordinaire ou je vais faire près de 500km je vais remonter tout le monde et faire mieux que ça, je vais revenir à 80km de la 2eme place...

K: Tu dormais peu par rapport à une personne normale, jusqu'où as tu poussé ton corps ? As-tu eu des épisodes hallucinatoires ou de somnambulisme ? Explique donc ce qu'il t'est arrivé d'étrange à nos millions de lecteurs !

A: Très cher lecteur, disons que en effet je dormais peu par rapport à une personne normale , mais je dormais beaucoup trop pour être réellement performant sur la TCR , si l'on compare la régularité de Josh qui dormait en moyenne 3 à 4 heures par nuit ou encore James Hayden qui lui allait encore plus loin, en ne dormant que par tranche de 20 à 30 minutes , sur les 5 premier jours , avant qu'il ne flanche complètement et ne dorme 11 heure d'affilée à l'approche de Vukovar. pour ma part la première nuit j'ai dormi 5h, la deuxième nuit 4h, la troisième 4h, après la strada 5h, en Italie 6h, en Slovénie 7h, à Vukovar 5h30, en Bosnie 1h (je m’étais arrêté 4h30 en pleine journée à cause d'un orage), en Albanie 8h, en Macédoine 4h30 , 3h en Bulgarie, et 2h30 en Turquie. Je n'avais pas d'idée du temps que je devais consacrer à dormir, mais au final, mon problème de chargement de gps et téléphone aura été un problème à ce niveau la car je n'avais rien pour me réveiller, ni montre ni réveilet quand tu es fatigué et bien tu dors, dors et dors encore. Je roulais depuis très tôt le matin (3h) sur ce qui devait être ma dernière journée sur la TCR, j'avais dormis sur un banc en Bulgarie, j'étais tellement mal, que pour moi ce matin la j'étais persuader que ce serait le dernier jour , alors qu'il restait plus de 450 km, la tache est colossale... après 10 jours de vélo... bien décidé , j'abandonne sur ce banc tout ce qui me semble superflu, couverture de survie, sur-sac de couchage (j'étais parti sans sac de couchage) , et quelques bricoles. La journée sera éprouvante comme jamais , je lâche mes dernières forces dans cette bataille, je monte chaque bosse au sprint, me couche sur le vélo pour parer ce vent impitoyable ... j'avance avec une volonté de fer et n'ai eu aucun contact depuis la veille, plus de batterie , plus de téléphone ... je suis une âme en peine, qui se bat mais qui n'a plus rien dans le ventre. Puis arrive le soir, il est 21 h, et je me rend compte que je suis encore à près de 90 km d’Istanbul, la nuit tombe, et avec elle mon moral flanche. Je vais devoir repasser une nuit dehors... je n'en peux plus j'ai parcouru prêt de 400 km depuis le matin, et je suis vide. En entrant dans un village je suis décidé à abandonner, deux jeunes sur le bord de route, je leur explique ma détresse. Ils me permettent d'appeler ma femme avec leur téléphone, je lui explique que je suis décidé à abandonner, je n'en peux plus, elle pleure, elle est avec l'organisateur (Mike Hall) à l'arrivée et ils m'attendent tous de pied ferme !!! Ils attendent le deuxième de la TCR!!! elle me passe Josh, il m’explique qu'il était dans le même état l'an dernier au même endroit. J'ai ma dose d'encouragement, et je puise dans mes dernières volontés pour repartir. Il est environ 23 heure quand je repars, je n'avance pas à plus de 15 ou 20 km/h (je n'en ai aucune idée, je n'ai plus de gps). Vers 1h30 du matin dans la foret turque, je commence a vivre ma deuxième session d'hallucination. Je vois des maisons, de la vie au bord de la route, alors qu'il n'y a rien d'autre que des arbres. Dans une lueur de conscience, je m’arrête et m'allonge en bord de route sans même chercher un abri, je n'ai plus rien pour me couvrir. Je m'allonge en boule le long de mon vélo. La nuit est sombre, la lune est masquée par des nuages, mais soudain au bout de quelques minutes alors que je tente de trouver le sommeil, les nuages dévoilent cette lune qui me permet de voir ce qui m'entoure, et la, stupeur!!! je me rend compte que je suis au milieu de deux gros chiens sauvages , blancs !!! deux colosses allongés en boule , à ma droite , à ma gauche , à 2 ou 3 mètres de moi , le moment est juste incroyable !!! Ces deux gros chiens resteront la les deux heures de mon arrêt , sans bouger ! Et au moment ou je repartirai , il s’assiéront , et me regarderont partir!!! Ils m'auront protégés ou m'auront sentis tellement faible et inoffensive qu'il m'auront laissés tranquille... Cette épisode tranche tellement avec le récit des autres voyageurs , que je me dis que cette histoire est une réelle histoire de fou, que , j'ai eu une bonne étoile au dessus de ma tête... pour rallier Istanbul. J'ai croisé plusieurs meutes de chien , mais jamais je n'ai été attaqué ... je pense que mon état était tel , que je ne représentais pas un danger ...


Alex au finish, l'une des plus belle image de la Transcontinental.

K: Les Checkpoints de la TCR viennent d'être annoncés. Quel est ton avis sur le parcours. Comment envisages tu cette édition ? As tu des attentes particulières ?


A: En effet nous voici lancer dans la nouvelle édition, je n'ai pas vu le temps passé. Cette prochaine édition répond en tout point à mes attentes, je n'aurais pas pus être plus satisfait... Je redoutais la présence de plus de gravel et visiblement il n'y en aura pas. Je suis relativement bon grimpeur et le parcours annoncé, est essentiellement montagnard... tout se passe à proximité de chez moi, ce qui me permettra de pouvoir faire de belle reco en approche de la TCR à la fin du printemps... le parcours passera même à 15 kilomètres de la maison. Et pour finir le parcours devrait être plus court, ce qui (a la vue de mon état sur la fin cette année) me permettra d'être performant sur toute la longueur du tracé...

L’émulation pour cette prochaine TCR est incroyable! Le nombre de français souhaitant y participer est impressionnant... Je reçois des messages quasi quotidiennement de personnes souhaitant y participer... et vu le nombre de personnes qui on déjà porté candidature , (+ de 700) je me dis que la sélection que devra faire Mike va être drastique...

K: On peut s'attendre a voir de nouveau challenger, le parcours passe pas loin de chez toi, est ce qu'on doit s'attendre à une "attaque" de ta part dans cette zone ?

A: J'ai fais preuve, d'une certaine irrégularité cette année durant la tcr, étant capable de faire des journées a 19h de selle tout comme d'en faire 11... et j'ai fait preuve d'une grande incrédulité. Ce que je souhaite c'est arrivé à avoir cet régularité métronomique qui m'a manqué cette année... j'ai déjà un tableau de marche en tête , et beaucoup plus de lucidité quand à ce qui est réalisable et ce qui ne l'est pas ... alors il ne faut pas s'attendre à me voir passé vers chez moi à 50kmh mais plutôt à faire preuve de régularité... passer à proximité , me donnera surtout un coup de boost salvateur après 36h de course environ.

La montagne, il connait !

K: Les alpes ont l'air de représenter un gros morceau de 2016, est-ce le secteur que tu crains le plus ou y'en a t'il un autre ?

A: On ne peut pas dire que l'on ne redoute pas un tel morceau, mais leur localisation sur le parcours me convient bien. Un lieu que je redouterais ? huum je dirais le secteur en approche du cp 4, en Bosnie ... Peut être à cause du mauvais moment passé sous la pluie l'an dernier, et puis je redoute mon état dans le final. En réalité, ma plus grosse crainte elle ne vient pas du parcours mais plus de moi même, et de l'état dans lequel je vais me mettre..

K: Un conseil pour nos millions de lecteurs qui veulent se lancer dans l'ultra endurance ?

A: Dizaine de millions ;-)

K: Au moins....

A: Je voudrais résumer cela en un seul conseil, ne surtout pas sous estimer la TCR , faire preuve d'abnégation de professionnalisme, ne serait ce juste pour souhaiter parvenir à l'arrivée.

K: Merci pour le temps que tu nous accordes! Des sponsors à remercier ?

A: Oui je voudrai remercier ma femme Amandine pour son intendance et son soutien énorme, mon coach Sylvain Perreal qui m'a porté jusqu'au bout de l'aventure , l’équipe de dvelos , Vincent de velocoop pour les sacoches Apidura et pour m'avoir lancé dans l'aventure, les cycles lapierre pour le vélo , le dauphiné liberé pour leur article ,ainsi que patrick gille de cyclosportissimo et tous les gens parfois inconnu qui m'ont soutenus.

2 commentaires:

  1. Le con, il m'a fait pleurer . . .

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  2. Encore Bravo Alex pour cette aventure TCR.....à lire ton histoire, je reconnais bien tout ce qui caractérise la pratique du vélo en longue distance jusqu' à la limite de ces propres capacités....Bon il est clair que tu es assez loin dans ce domaine mais c' est ce qui fait tous le charme et la force de ces aventures...Il est clair que cette année, tu sera beaucoup plus en confiance de ton expérience 2015 et que ton approche de la performance sera sûrement différente...Robic disait toujours, qu' une course Ultra, qu'elle soit avec ou sans assistance ne sa gagne pas sur la vitesse sur le vélo mais sur les temps d' arrêts du cycliste....J' en sais quelque chose pour avoir lamentablement échoué cette année sur ma RAA aprés le 1400 km à cause de mes brûlures à la con.....mais ce qui est sûr c' est que d' être Finis chers de tels défis est un pur bonheur ...

    Encore Bravo et bonne chance pour la suite... Dommage , je ne pourrai pas être en 2016 sur cette épreuve pour cause de planning incompatible et je le regrette vraiment car, je crois que j' aurai vraiment aimé faire parti du wagon des cyclistes sur cette TCR ...J' y serai une année prochaine.... hihi Amitiés Alex

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